Il faut savoir réaliser quand le bonheur est là
« Il faut savoir réaliser
quand le bonheur est là, et ne pas être dans l'attente, l'impatience, le
regret, le remords. »
Inès de la Fressange
Et comme elle avait raison, Inès…
Elle avait raison, mais je n’ai pas écouté. J’étais trop fou pour
entendre, trop fou pour comprendre…
Marie est arrivée dans ma vie un 26 mai.
Ce jour-là, j’avais considéré que c’était un bon jour pour mourir… Et
puis finalement, il s’est avéré que c’était un bon jour pour vivre.
Comme j’avais décidé de sauter du pont, je m’étais rendu dans cet
endroit où je ne vais jamais. Et c’est sur ce même pont que j’ai croisé son
regard.
Marie… Comment vous la décrire ? Elle était pétillante, ses yeux
étaient feux d’artifice, son corps tout entier vibrait sous le soleil.
Elle était explosion.
Nous n’avons pas pu nous quitter des yeux, même après s’être croisés.
Et après nous être tordus le cou, nous avons fini par nous retourner mutuellement.
Je me sentais mort, elle me donnait vie.
Sa vibration, son regard, son feu d’artifice, m’ont appartenu dès ce
moment. Elle me les offrait de bon cœur.
Marie…
Dès ce jour, nous ne nous sommes plus quittés.
Ayant perdu ma femme et mon appartement, étant sans aucune ressource,
elle m’a hébergé.
Mais je devrais dire Nous avons
vécu ensemble. Car d’office, nous formions un couple, parce que Marie était
entière et se donnait absolument.
Et moi…
Je voudrais pouvoir me donner des excuses. Je voudrais pouvoir dire Comprenez-moi.
Mais la réalité est que j’ai été un imbécile, du début à la fin.
Moi, donc, je venais de tout perdre, absolument tout. Ma femme et mon
meilleur ami étaient partis ensemble, avec mon argent, mes économies, et ma
vie.
Rencontrer Marie, obtenir son cœur, c’était la plus belle chose que
l’on pouvait m’offrir après les mois de souffrance et le désert que je venais
de traverser.
Marie sortait. Elle aimait faire la fête, s’amuser, danser, jouer.
Marie était vie et Marie était libre.
J’étais un vieux rat perdu dans l’océan, aigri, jaloux, peureux.
Marie tentait de m’égayer, et ça a marché pendant quelques mois. Oui,
ça a marché.
Mais je redoutais trop qu’un jour elle trouve meilleur que moi, ou
moins grincheux. Je redoutais qu’elle rencontre un bel homme riche qui
l’emmènerait dans d’autres bals, à Rome peut-être, ou bien Venise…
Moi, je ne l’emmenais nulle part, je ne rêvais de rien, et j’étais
incapable de lui rendre la moindre des étincelles qu’elle m’offrait.
Mais Marie ne disait rien. Sa patience et sa générosité étaient
grandes.
Elle me disait Ne t’oblige pas à
chercher un travail pour devenir un Homme. Tu n’as pas besoin de ça. J’ai assez
pour deux.
Elle disait Tu veux être
écrivain, prends le temps dont tu as besoin pour écrire.
J’essayais d’écrire, mais sans succès.
Je rêvais d’être le prochain grand auteur dont tout Paris parlerait.
Je rêvais qu’elle soit fière de moi, et je n’arrivais à rien.
Nous sortions, nous nous couchions tard. Le lendemain, elle était
toujours fraîche pour aller travailler.
Je faisais semblant de me lever avec elle, mais je me recouchais dès
qu’elle s’en allait. Et, de plus en plus, avec une bonne bouteille.
J’aurais voulu lui donner plus, j’aurais voulu faire plus, être bien
plus.
J’en étais incapable.
Je me voyais dans le miroir, je voyais bien l’homme que j’étais, celui
que je devenais, et je me détestais.
Je ne comprenais pas que Marie continue de m’aimer. Je la détestais de
plus en plus pour ça, d’ailleurs.
Plus je devenais loque, et plus elle me prouvait son amour.
Je n’avais pas besoin de ça ! Je n’avais besoin de rien !
J’avais besoin de trouver un bon travail, d’écrire, de devenir l’homme
le plus respecté, afin de mériter cette femme.
Un jour, elle a compris.
Un jour, je l’ai vu dans son regard.
Ce soir-là, elle est sortie sans moi. Elle n’est pas revenue,
d’ailleurs.
Et deux jours plus tard, j’ai seulement reçu un pli de sa part. Elle
me priait de quitter l’appartement, de quitter sa vie.
Elle ne pouvait plus supporter ce que j’étais devenu, cela lui faisait
mal et brisait les étincelles de son cœur.
J’ai laissé le mot sur la table, j’ai empaqueté mes affaires, et je
suis parti.
Sans aucune réponse. Elle n’en avait pas besoin.
Le simple fait de mon absence signifiait que j’avais compris.
Maintenant, je dors sous ce même pont de notre rencontre, et je rêve
d’elle.
Marie, ce trésor que j’avais entre les mains, et que j’ai perdu.
Marie, qui m’a offert tout ce dont je rêvais. Et moi qui ai tout
gâché…
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