« Immonde »
Je connais
un lieu où aucun humain n’oserait s’égarer.
C’est un
coin perdu dans une forêt sombre qui cache de nombreux mystères, et que je connais
à force de me perdre dans l’âme humaine.
C’est un
endroit qui s’appelle La Décharge des Sentiments…
Ici résident
les sentiments de haine les plus purs et les plus sauvages que personne n’a jamais
exprimé.
Et pour
cause : il y a bien trop de honte à admettre certaines choses, soit devant
les autres, soit devant soi-même…
Pour ainsi
dire, cette décharge a l’odeur du dégoût.
Une odeur
âcre, qui reste en narine et en bouche, qui semble même parfois s’imprégner dans
vos vêtements, ou s’installer quelque part à l’intérieur de vous.
Quelque
chose dont on ne se sépare pas facilement.
J’y vais
trop souvent m’y promener sans doute, et ni les mots ni les odeurs n’ont plus aucun
effet sur moi.
Qu’est-ce
que je cherche là-bas, me direz-vous…
Ce lieu
me fascine, en fait.
Pour connaître
l’âme humaine, et pour l’aimer, il faut voir tout ce qu’elle recèle de plus secret,
de plus immonde.
Pour pouvoir
aimer l’humain, il faut d’abord le détester.
La décharge
des sentiments est l’endroit idéal pour mes recherches.
Tenez, hier
par exemple, j’ai récolté un morceau de pensée…
Ce fragment
n’est pas la pire chose que j’ai lue. Il existe bien pire, rassurez-vous…
Je ne suis
plus étonné de rien et seules les pensées les plus violentes pourraient me causer
quelque peine, heureusement pour moi.
Mais pour
aujourd’hui, un simple extrait servira d’exemple, et je n’ai pas envie de tout vous
dévoiler non plus.
Peut-être
que, moins vous en savez, et mieux ce sera. Pour vous.
Pour en
revenir à cette pensée trouvée hier… Je me promenais dans la décharge comme un jour
habituel.
Et je suis
tombé sur cette pensée, qui disait :
« Je
voudrais que sa tête explose, qu’elle crève à l’intérieur. Je voudrais qu’elle vomisse
des vers, qu’elle se sente pourrir. Je veux qu’elle soit foudroyée sur place, figée
à tout jamais, noyée dans sa moisissure. »
Je n’ai
pas pu continuer ma promenade.
Je suis
resté assis devant les mots qui miroitaient et tournoyaient…
J’ai essayé
d’imaginer une histoire à partir de ces mots.
Une histoire
dont ces mots signeraient la fin, plutôt.
Qu’a pu
faire une femme, pour mériter autant de haine de la part d’un homme ?
Que s’est-il
produit entre eux, pour que tout se termine si mal ?
Qu’est devenu
cet homme ?
Qu’est devenue
cette femme ?
Pour une
fois, j’ai eu envie de réponses. Pour une fois, je ne pouvais pas en rester là,
simplement avec les mots indigestes suspendus dans la décharge...
Mon imagination
partait loin, l’histoire se formait sous mes yeux… J’étais en train d’en faire une
affaire presque personnelle.
Je suis
resté là quelques heures, et ce fut quelques heures de trop.
Il ne faut
jamais s’aventurer plus de quelques minutes dans la décharge des sentiments, à cause
des risques que cela peut causer à notre santé mentale…
J’ai beau
vous dire que je trouve l’endroit merveilleux, il est aussi très dangereux, à sa
manière insidieuse.
Cela s’infiltre
en vous et ne vous lâche pas, je vous l’ai dit.
Et cela
peut faire pire encore…
En tant
qu’aventurier de l’âme humaine, je tiens à rester neutre et ne pas trop me perdre
en conjectures et sentiments.
C’est pour
toutes ces raisons que je ne vous en dirais pas plus, et que vous n’en saurez pas
plus sur la décharge et les égouts qui y mènent.
Je ne voudrais
pas que vous vous y perdiez comme j’ai risqué de m’y perdre hier.
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