Squelette



Antonin Jouait dans le parc situé à côté de la forêt.
Il jouait seul, comme à son habitude, avec un ballon de foot.
Il ne faisait que courir et taper dans le ballon, dans un sens du parc, et puis dans l’autre.

Quand il allait au parc, il faisait croire à sa mère qu’il y allait en compagnie de ses amis, Thomas et Alex.
Mais Thomas et Alex n’avaient jamais été ses amis. Et sa mère n’en savait rien.
Ils étaient amis avec d’autres gosses, un tas d’autres, mais pas lui.

D’ailleurs, personne n’était ami avec lui de toute façon.

Antonin était différent.
Différent de qui et par rapport à quoi, il ne l’avait jamais compris.
Mais c’était quelque chose que les autres devaient savoir, en tout cas, puisqu’ils semblaient tous d’accord sur ce sujet.

Et donc, Antonin était seul.
Sa chance était que les autres ne faisaient que l’éviter
 Ils ne le tabassaient pas et ne se moquaient pas ouvertement de lui. Entre eux, peut-être, mais devant lui jamais.

C’était bizarre mais c’était comme ça.

Cet après-midi-là, donc, Antonin avait fait comme d’habitude et dit à sa mère qu’il sortait jouer.

Il avait bien vu son inquiétude quand elle avait semblé comprendre que son fils était seul, et il avait fini par inventer toutes sortes d’astuces et d’histoires amusantes afin de la rassurer.
Il observait les autres dans la cour d’école, et racontait des scènes à sa mère comme s’il les avait vécu lui-même, non pas comme s’il en avait été un simple observateur…

Antonin aimait cette course avec son ballon des mercredis et des samedis. Cela lui aérait l’esprit.
Il n’y avait plus que lui, ses pensées, ses pieds et le ballon.
La course dans l’herbe, parfois sous la pluie, parfois en plein soleil.

Ce jour-là, à force de taper et taper, il s’était retrouvé à la lisière de la forêt.

A un moment donné, le ballon fit un mauvais rebond, tapa dans un arbre, et se perdit dans les bois.
Antonin s’arrêta, pensif.

Sa mère lui avait dit de ne pas aller seul dans la forêt.
C’était une des rares interdictions à laquelle il se devait absolument d’obéir.

Mais il aimait beaucoup son ballon.
Alors il marcha en direction du fouillis d’arbres et pénétra à l’intérieur.
Il y faisait frais. L’air était un peu humide encore des dernières pluies. C’était agréable.

Antonin marcha vers la direction qu’il supposât être celle prise par son ballon.
Il vit quelque chose de blanc qui ressortait dans cet endroit dominé par les teintes vertes des feuillages.
En s’approchant de plus en plus, il constata qu’il ne s’agissait pas de son ballon.

On aurait dit…

On aurait des os ?
Lorsqu’il eut passé le dernier buisson qui l’empêchait de bien voir, il vit enfin…

Un squelette.

Mais pas vraiment.

Plutôt un puzzle de squelette ?

Antonin n’était pas très bon en sciences, il se perdait facilement dans ses rêveries pendant les cours scientifiques.
Mais il sentait bien que quelque chose n’aillait pas, que les os ne semblaient pas en ordre, malgré une reconstitution minutieuse.

C’était comme si… Comme si ça avait été fait exprès.
De mettre par exemple une main à la place d’un pied, ou le crâne au beau milieu du bassin.
Ce n’était pas désordonné, c’était calculé… Antonin aurait parié son argent de poche à ce sujet !

Un squelette, mais pas de ballon… Que faire, maintenant ?

Courir.
Courir jusqu’à la maison, prévenir maman, et puis la police.
Tant pis si elle comprenait qu’il était là-bas tout seul.
Tant pis si elle découvrait tout.

Antonin avait l’habitude de regarder à la télévision ces émissions de détectives privés qui résolvent des affaires, ou de policiers qui enquêtent sur des mystères, et il avait appris à reconnaître un meurtre…

Si le meurtrier était encore là, tapi sous les feuillages ? Et s’il s’en prenait à lui ?
Impossible, mais il prit soudain peur, et couru vraiment, bien plus vite qu’à son habitude.

Il couru, couru, jusqu’à la porte de sa maison, où sa mère le trouva essoufflé et l’obligea à s’asseoir à la table de la cuisine, puis à prendre un grand verre d’eau avant de parler…

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