Cédric
On était toute une bande, si on peut dire que cinq personnes fassent une bande… On s’était rencontrés au lycée ; il y avait moi, Gérard, Cédric, Anaëlle et Sylvie.
On trainait tous le temps ensemble, inséparables. On allait au ciné, à la bibliothèque, on glandait dans la rue en bas de chez moi.
Parfois on allait en forêt, fabriquer une cabane comme des gosses, puis fumer des pétards en buvant des bières… Rien ne pourrait jamais nous séparer.
Et puis un jour, fin du voyage, chacun quitte le nid et part de son côté… On promet de se donner des nouvelles, le temps passe et puis on ne le fait pas…
L’autre jour, un article dans le journal, accompagné d’une photo, a attiré mon attention.
Sur la photo, Cédric, vingt ans après et vingt kilos de plus.
Le titre de l’article : « Vingt ans plus tard, on a enfin arrêté le tueur en série de Trifouilly-les-oies. »
Je n’ai pas voulu le lire.
Parce que je savais déjà, quelque part… C’était des histoires qui circulaient à l’époque, sur des choses qui se seraient passées… On se les racontait le soir pour se faire peur. On ne savait pas que c’était vrai, on ne pouvait pas l’imaginer.
Donc c’était lui, mon meilleur pote. Je ne savais pas. Je ne l’aurais jamais cru. Ça ne pouvait pas être envisageable.
On trainait ensemble, on buvait ensemble, on a tout fait ensemble pendant six ans.
J’ai retrouvé Gérard et Anaëlle, je leur ai parlé au téléphone. Ils n’ont pas compris non plus. Comment a-t-on pu passer à côté ?
On s’est vus, on a lu l’article -les articles, puisqu’il y en a eu d’autres après-, on a essayé de se souvenir, de réfléchir aux événements, aux disparitions, aux dates… Au fait que c’était souvent lui qui racontait les histoires et qu’il ajoutait plein de détails, des détails qui nous semblaient exagérés tellement ils paraissaient réels…
Je n’ai pas retrouvé Sylvie. Aucun de nous trois ne sait ce qu’elle est devenue ni où elle se trouve…
Il faudrait que j’aille voir Cédric en prison, je voudrais lui parler, mais je ne sais pas… Aller le voir donnerait trop de réalité à tout ça.
Je préférais quand j’étais ignorant. J’aurais aimé ne jamais lire cet article. Parfois, il vaut mieux ne pas savoir…
Commentaires
Enregistrer un commentaire