Joséphine
Assise dans l’herbe, Joséphine regarde le ciel. Quelques nuages se courent après…
La douleur l’enivre.
Elle a recommencé…
La première fois, elle s’en souvient, elle y pense encore.
Elle avait eu cette envie subite, nouvelle. Elle était descendue à petits pas dans la cuisine, avait pris un couteau au hasard, était remontée dans sa chambre. Là, assise sur son lit, elle l’avait regardé comme un objet nouveau, étrange…
Puis elle avait penché délicatement la lame vers son poignet.
Elle ne savait pas vraiment comment s’y prendre, mais c’est venu tout seul.
L’appel instinctif du couteau. C’est comme ça qu’elle avait appelé cette chose après s’être tailladée à plusieurs endroits au poignet et à l’avant-bras.
L’appel instinctif du couteau…
Cette douleur la transperçait de part en part, lui faisait oublier les autres douleurs, celles auxquelles elle ne voulait pas penser.
Une douleur vive, nouvelle. Et puis le sang. Comme un nettoyage, une purification.
Joséphine avait regardé le sang couler avec des yeux ronds, ébahie.
Il avait fallu, au bout d’un moment, courir jusqu’à la salle de bain pour éviter de salir la moquette de sa chambre, ou les draps.
Elle avait nettoyé, pansé ses blessures.
Prendre soin de soi…
Ensuite, elle avait porté des pulls toute la semaine.
Il commençait à faire beau et Joséphine avait pas mal transpiré cette semaine-là…
Depuis, elle était allée faire du shopping et s’était achetée des petits hauts tout mignons à manches longues.
Au bout d’un moment, en plus des nouvelles blessures qui arrivaient régulièrement, il fallait aussi cacher les cicatrices…
Joséphine se sentait parfois perdue. Elle se demandait pourquoi l’appel instinctif du couteau la prenait régulièrement. Elle se demandait si c’était mal.
Mais, si ça n’avait pas été mal de le faire, elle n’aurait pas eu besoin de le cacher, n’est-ce pas ?
Elle savait, en réalité. Elle savait qu’elle avait dépassé les bornes, qu’elle allait de plus en plus loin, et qu’un jour viendrait où son corps serait rempli de cicatrices.
Mais elle n’arrivait pas à arrêter. Et puis, le voulait-elle vraiment ?
Assise dans le parc, Joséphine regarde la lame ensanglantée.
« Tout ceci prendra-t-il fin un jour ? » se demande-t-elle… « Ou aurais-je besoin de ça toute ma vie ? »…
L’avenir lui faisait peur. Il faudrait sans doute qu’elle parle, qu’elle dise « voilà ce qui ne va pas, voilà ce que je fais pour aller mieux » mais elle avait peur.
Et cette peur était pire que tout. Cette peur l’enfonçait dans un terrier. Elle était prise au piège.
« Que diraient-ils, tous, s’ils savaient ? Je ne veux pas qu’ils sachent.
Je suis fatiguée d’être seule avec ça.
Je veux que le manège s’arrête, que je puisse en descendre… »
Joséphine prend un pansement dans son sac et le colle à l’endroit de la nouvelle blessure. Elle redescend sa manche, se lève, et retourne vers le lycée pour son cours de français…
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