Le lendemain matin, Constance ne se réveilla pas avant dix heures...

Patrice, lui, s’était levé avant l’aube, profitant du calme de la grande maison, se familiarisant avec les lieux, le parquet un peu grinçant, les souvenirs de voyages éparpillés…

Dans la cuisine, il avait trouvé de quoi faire du café.

Il avait bu une première tasse fumante en regardant le soleil se lever.

Il avait envisagé de sortir, trouver une boulangerie pour acheter des croissants.

Mais il ne savait pas quels étaient les goûts de Constance au petit déjeuner… Ils se connaissaient à peine depuis la veille, et elle l’avait emmené jusqu’ici...

Après avoir pris une douche, Patrice fureta parmi les livres de la bibliothèque, en piocha un au hasard et s’installa dans un canapé moelleux en attendant le réveil de Constance.

Quand elle descendit enfin, elle le vit endormit là où il s’était posé pour lire.

Elle le trouva mignon.

Il ne bougea pas lorsqu’elle pénétra dans la pièce. Tout semblait naturel dans sa position, sa présence.

Puis elle se souvint de la situation, et se sentit bizarre.

Elle alla jusqu’à la cuisine pour faire du café et constata qu’il y en avait déjà, encore chaud, dans la cafetière.

Elle se servit et retourna dans le salon.

Patrice avait ouvert les yeux et la regarda s’asseoir dans un fauteuil en face d’elle.

Elle bu une première gorgée en soutenant son regard pétillant et plein de questions.

Elle savait ce qu’il demandait.

« Qu’est-ce que je fais là, qu’est-ce qu’on fait là ? »…

- C’était une belle soirée hier, non ?

Elle ne savait que dire d’autre…

- Oui… répondit-il.

Puis il ajouta :

- Hier nous étions à Paris, et aujourd’hui nous sommes à… ?

- Près de Coutances, répondit-elle avec un sourire malicieux.

J’avais passé la semaine sur Paris et je n’en pouvais plus. Je me sens mieux ici.

- C’est un endroit fabuleux.

- Merci !

Les yeux de Constance le troublaient. Patrice n’osait pas poser plus de questions, au risque de rompre la magie du moment.

Hier, j’étais à Paris.

Hier après-midi, je suis allé chez Pascal, où j’ai rencontré Constance pour la première fois de ma vie.

Pascal devait retrouver sa femme pour aller dîner avec ses beaux-parents. Il m’a quasiment planté là, sur le pas de sa porte, avec Constance.

Qu’est-ce qu’ils faisaient ensemble déjà, avant que j’arrive ? Ils bossaient sur un des projets de Pascal, mais je ne sais plus lequel…

Bref, c’était vendredi soir, la semaine avait été épuisante, Constance m’a proposé le resto, j’ai accepté. Et ensuite…

Un dernier verre.

Et puis, elle a conduit. Je pensais qu’elle me ramenait chez moi, parce que j’avais trop bu…

Constance buvait son café, sereine.

Patrice ouvrit la bouche, de nouveau :

- Est-ce que nous avons…

- Couché ensemble ? Non. Et heureusement : J’aurais mal pris le fait que tu ne t’en souviennes pas !

- Évidemment…

Après un silence gênant, Constance se lança :

- Toi et moi avons beaucoup parlé hier soir et toutes ces discussions, toutes ces idées que tu as sur le monde, la vie, ça m’a ouvert les yeux.

Je veux dire, la semaine a été compliquée. Le mois a été compliqué. Et puis, toute l’année en fait… Je ne suis pas revenue ici depuis deux ans.

Ça m’a pris d’un coup et tu étais dans la voiture, mais je me suis dit que ça ne te ferait pas de mal non plus, de partir… Appelle-ça un coup de tête, ou un bol d’air frais. Le hasard, ou le destin…

Patrice resta bouche bée. Que dire ?

En quelques heures, le temps de faire connaissance, elle avait capté sa fatigue à lui, son besoin de renouveau.

Personne ne l’attendait pour le week-end, il était libre comme l’air. Personne ne l’attendait, d’une manière générale, d’ailleurs…

- Alors ?

Regard de Constance interrogateur, sourcil levé, une peur sur son visage…

- Bin, je vais me resservir du café. Et puis une promenade dans l’air marin ne pourra pas me faire de mal… Je ne bosse pas lundi…

- Moi non plus.

- Et ensuite ?

- Ensuite, on verra…