Elle a sur sa peau les tatouages d’une autre.

Elle regarde les dessins mais ne reconnaît rien, pourtant c’est bien de son corps qu’il s’agit…

 

Sur son visage, des rides de vieille dame, creusées à force du temps...

Elle touche, regarde, touche encore… Elle ne comprend pas.

 

Elle se sent comme éveillée lors d’une longue nuit d’hiver quand, à trois heures du matin, les yeux refusent de se refermer.

 

Elle se sent comme ne pas avoir vu le temps passer.

 

Même dans la chambre, tout est différent. Une sombre poussière se tasse sur les meubles, rendant les objets fantomatiques.

Une toile d’araignée dans un coin…

 

Et rien de tout cela ne fait sens.

 

Hier encore, elle avait quinze ans.

Hier, elle pêchait au lac avec son père en mangeant des bonbons. Tout paraissait doux, et tout paraissait fou. La vie devant elle s’étalait, limpide comme la surface de l’eau.

 

Hier…

Et aujourd’hui…

Quelque chose s’est passé entre les deux, mais elle ne se souvient pas.

 

Le réveil a été violent, comme après être sortie d’un cauchemar.

A s’étouffer, en sueur, la langue sèche et la peur au ventre.

Heureusement que la veilleuse, toujours allumée, laisse la chambre dans une ambiance rassurante.

 

La veilleuse... Quand j’avais quinze ans, elle n’était pas comme ça.

Elle était… comment, déjà ?

La jeune fille affolée, dans son corps de vieille dame, essaie de se rappeler, et ne se souvient pas.

 

Elle se parle à elle-même…

Qui êtes-vous et que faites-vous là ?

Je suis toi, dis la vieille. Que sont ces dessins sur mon corps ?

Ce sont les miens, dit la jeune. Ceux que je rêvais de me faire, en tout cas.

Il est tard, dit la vieille.

Je ne dormirai plus jamais, lui dit l’autre.

On ne fait plus la fête ici depuis longtemps, se répond-elle.

On fait quoi, alors ?

On essaie de se souvenir et si on n’y arrive pas, on se rendort…

Ce n’est pas drôle.

Personne n’a dit que ça l’était.

Rendez-moi ma vie, dit la jeune.

Tu l’as bien vécue, répond la vieille…

 

Et ainsi se rendort, doucement, la dame qui ne sait plus qui elle est ni d’où elle vient. La dame qui a oublié sa vie, tristement.

 

Parfois les dialogues sont différents, et la jeune raconte à la vieille les folies qu’elle faisait il y a longtemps…

Parfois, elles rient. Ou elles pleurent.

 

Et la veilleuse, toujours, garde une lumière sur elles.

 

 

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