Grand-mère est morte.
La maison est vide.
Joséphine s’attarde dans chacune des pièces, cherchant encore un peu de sa présence, un peu de son odeur.
L’endroit est propre et net : le ménage avait été fait quelques jours plus tôt par l’aide à domicile.
Joséphine regrette, elle aurait préféré qu’un peu de poussière recouvre les meubles, pour lui faire vraiment comprendre que tout est finit.
Alors que là, tout semble vivant encore, et même les plantes – qui avaient été arrosées par la même occasion – continuent de pousser sans se soucier de rien.
Pourtant, Grand-mère est morte. Et Joséphine est seule.
Elles n’étaient plus que deux, survivantes de cette famille décimée par les accidents de la vie.
Et Joséphine est là, à stagner dans chaque pièce, à regarder sans voir, pensive et triste.
Reste la chambre à l’étage, la seule pièce où elle n’avait pas le droit d’aller, la seule pièce qu’elle ne connaît pas, et la seule aussi où Grand-mère est peut-être encore un peu vivante.
Joséphine n’ose pas.
Au pied de l’escalier, elle regarde vers là-haut.
Est-ce que c’est encore interdit ou est-ce que j’ai le droit ?
Est-ce qu’elle m’en voudrait ?
Mais il faut que je le fasse.
Marche après marche, hésitante, Joséphine grimpe vers le lieu sacré.
Elle se retrouve devant la porte, tremblante.
Elle pose à peine la main sur la poignée que la porte s’ouvre, presque toute seule, comme une invitation.
C’est une pièce simple : un grand lit, une armoire, un petit bureau, une commode.
Au-dessus de la commode, un miroir – le seul de la pièce – dans lequel grand-mère devait se regarder chaque matin, et qui a vu tous ses visages.
Et puis, l’odeur de Grand-mère qui envahit les narines, les poumons, le cœur, qui remplit la tête de souvenirs…
Son parfum, bien vivant encore, qui fait mal à l’intérieur.
Joséphine entre, observe, n’ose rien toucher, rien déplacer.
Par la fenêtre, le jardin, les oiseaux, la fontaine : la vie.
Mais dans cette pièce, plus rien, rien d’autre que le parfum et quelques secrets de la vie de Grand-mère.
Des secrets que Joséphine n’est pas prête, pour l’instant, à ouvrir et découvrir.
Elle s’attarde un moment, tête baissée, face au miroir.
Timide, et intimidée par le fait que Grand-mère elle-même a reproduit ce geste pendant des années.
Mais Joséphine, elle, n’ose pas relever la tête et regarder son reflet.
Et si c’était Grand-mère que je voyais dans le miroir, et non pas moi ? Et si c’était son fantôme ?
Ne sois pas idiote, ce n’est qu’un miroir !
Dans l’effort, la réflexion, et la concentration, sa main se pose sur la commode, se crispant légèrement.
Je ne veux pas que Grand-mère soit morte.
Et je ne veux pas regarder ce miroir.
Les larmes coulent, le parfum devient tout à coup trop entêtant.
Joséphine sort de la pièce, sans refermer la porte, et dévale les escaliers en même temps que les larmes dégringolent de ses joues.
Enfin, elle se retrouve dans le jardin, sur le banc placé entre les rosiers et la fontaine.
Là, elle peut pleurer.
Et l’eau de la fontaine pleure avec elle.
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