Jour de pluie dans son cœur.
Elle a regardé dans le miroir, elle n’a pas aimé ce qu’elle a vu.
A qui est ce visage de morte ? Ce n’est pas le mien.
C’est un réveil au milieu de la nuit.
C’est un réveil au milieu de la vie.
Il fallait faire quelque chose.
Elle a pris son sac et ses clés.
Elle a pris la voiture.
Il fallait bien aller au travail…
Mais il fallait faire autre chose, peut-être…
Alors, au milieu d’un rond-point, elle a décidé.
Il fallait tourner, et elle n’a pas tourné.
Ou plutôt, elle a tourné, mais après seulement.
Alors, c’était une autre route.
Une route inconnue, jamais prise.
Le soleil lui a fait plisser les yeux. Elle a baissé le pare-soleil.
L’espace d’un instant, dans un petit geste, elle a ouvert le miroir et croisé son regard de morte.
Il y avait une lueur dedans. Une petite étincelle d’amusement.
Elle a cru pendant cinq minutes que ce n’était qu’un petit détour, qu’elle reprendrait la route normale après.
Qu’elle arriverait un peu en retard au travail.
Mais au feu, elle n’a pas tourné où elle aurait dû.
Et le petit détour est devenu un grand détour.
Quelques kilomètres plus loin, elle n’a pas tourné non plus.
Et il devenait de plus en plus évident qu’aujourd’hui serait une journée différente.
Ses pensées se démêlaient en même temps que la route.
Les nœuds dans son corps se défaisaient.
C’est un réveil au milieu de la nuit.
C’est un réveil au milieu de la vie…
Elle se demandait jusqu’où elle pourrait aller comme ça. Jusqu’où elle irait.
Et puis, jusqu’où ses pensées pouvaient aller…
Avec tout ce qu’il y avait à démêler, elle aurait de la route à faire, ça oui…
Et quand elle reviendrait, il faudrait tout changer.
Démêler la vie aussi…
Elle s’absorbait dans la route, il n’y avait plus que le goudron et elle.
La voiture et elle.
Qu’est-ce qu’on fait, après s’être réveillée morte ?
On roule, c’est tout ce qu’il y a à faire…
Elle avait oublié son téléphone à la maison, comme exprès.
Elle savait qu’ils appelleraient. Après seulement cinq minutes de retard.
Elle savait, parce que c’était déjà arrivé plusieurs fois au cours de ces derniers mois.
Mais, son travail consiste à trier des archives… Des archives !
Autant dire des cadavres de papier… Ils pouvaient bien attendre cinq minutes…
Et même toute la vie, pourquoi pas.
A l’intérieur, quelque chose se tissait en elle.
Elle comprenait qu’elle n’y retournerait pas.
Elle n’y retournerait plus.
Une vieille pensée est remontée.
Fleuriste.
C’était ça que je voulais faire.
Comment j’ai fini là, à trier des vieux papiers ?
Est-ce que c’est comme le rond-point, il fallait tourner et j’ai pas tourné, ou alors mal ?
J’ai tourné trop tôt ou trop tard…
Et alors ?
Si la vie était comme une route, je pourrais faire demi-tour, revenir sur mes pas, et tourner bien comme il faut là où il faut…
Le fil des pensées se déroule comme une pelote de laine.
Des décisions importantes se prennent parfois dans les virages.
Parce que ça tourne un peu, et que le monde chavire… Tout s’éclaire, sous un autre angle.
Alors je vais faire demi-tour dans ma vie.
Le soleil n’est plus de face maintenant. Elle tend la main vers le pare-soleil, encore un léger coup d’œil dans le miroir.
Ses yeux sourient. Son visage semble plus clair.
Et puis le pare-soleil se rabat.
Elle va continuer la route, encore un peu.
Mais elle sait qu’elle va rentrer. Le tour de manège est presque fini.
Après, ça sera un autre manège, celui de la vie.
Et elle a envie de remonter dedans et de se donner le tournis.
Elle se fait des promesses et elle sait qu’elle les tiendra.
Parce qu’elle ne veut plus jamais croiser ce regard dans le miroir, ni revoir ce visage fatigué.
C’est un réveil au milieu de la nuit.
C’est un réveil au milieu de la vie…
C’est comme une chanson dans sa tête.
Il était temps de se réveiller.
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