Assise près de la fenêtre, elle regarde le lit défait, les livres ouverts, les pages déchirées.
Elle se dit alors que le désordre est parfois dans l’ordre des choses…
Elle aime cette chambre, là tout de suite, exactement comme elle est.
Le bazar de la pièce représentant le bazar de ses pensées et, d’une manière plus générale aussi, le bazar de sa vie…
Là, tout de suite, il n’y a aucun endroit au monde où elle désirerait être.
Il n’y a qu’ici, près de la fenêtre, assise par terre en tailleur, avec une vue globale sur la pièce.
L’endroit qui lui sert à tout… Là où elle pleure, là où elle rit, là ou elle fait l’amour aussi.
L’endroit qui recueille ses humeurs, les bonnes comme les mauvaises. Et ses tableaux aussi, les bons comme les mauvais…
C’est d’ici que, chaque matin, elle regarde le soleil se lever.
C’est d’ici aussi que, certains matins, elle regarde la pluie tomber.
Quel autre meilleur endroit y a-t-il qu’une chambre au lit défait, une chambre pleine de vie ?
Dans quel autre endroit, dans quel autre monde pourrait-elle vivre ?
Nulle part ailleurs en vérité. Rien d’autre qu’ici.
Elle allume une cigarette en pensant à toutes ces choses. Ses pensées s’envolent en volute de fumée.
Mais quand même, il faut que je range, pense-t-elle…
Elle prend le cendrier posé sur la chaise à côté, y dépose des cendres, et tourne à nouveau son regard vers le lit défait.
Non, je ne vais pas ranger, pas tout de suite en tout cas.
D’abord, je vais m’imprégner de cette vue, m’y noyer, et en faire un tableau…
Je cherche à peindre la vie, je cherche la vérité. Mais la vérité est là, toute nue devant moi.
La vie, c’est un lit défait, une chambre en bazar avec des livres ouverts, des cendres sur le tapis et des pages déchirées par terre.
Parce que le désordre est parfois dans l’ordre des choses…
Parce que sans vie et sans amour, ce lit ne serait jamais défait.
Parce que, sans vie et sans création, les livres resteraient sur l’étagère, les pages ne seraient jamais déchirées, les cigarettes jamais brûlées.
Et le tapis serait propre.
La cigarette a libéré toute sa fumée, les pensées se sont
toutes envolées.
Il est temps de se lever et de se mettre au travail.
Dans un coin, les pinceaux et le chevalet attendent.
Le tableau blanc n’en peut plus d’être blanc, il désire être peint…
Elle écrase la cigarette et se lève, doucement.
Les couleurs sont déjà dans sa tête, en ordre, il n’y a plus qu’à les travailler sur le tableau…
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