On est toujours trop pressé que les choses arrivent…

 

On invente le moment, on le fantasme, on l’a déjà trop en tête bien avant qu’il se produise.

On veut que tout soit parfait, on ne veut pas laisser passer l’instant en plein vol.

On veut le garder, s’en souvenir absolument.

 

Et puis, quand le moment arrive enfin, on veut profiter à fond, ne pas en perdre une miette.

 

Mais il n’est jamais aussi parfait qu’on se l’était imaginé.

Alors, c’est la déception… Le moment tant attendu de ma vie, c’était juste ça ?

On ne comprend pas ce qui se passe, on a l’impression d’échouer.

 

Ensuite, on regrette…

 

On regrette que tout se soit terminé si vite, on a peur que ça tombe dans l’oubli, que le souvenir soit trop vite remplacé.

On a peur de ne pas avoir assez profité.

 

On voudrait revenir en arrière, saisir l’éternité dans le moment, le rendre plus beau encore.

On y repense… Et j’aurais dû faire ça plutôt que ça, et j’aurais dû dire ça, et je n’aurais pas dû faire ça comme ça…

 

Mais on ne peut pas refaire les choses, ni profiter pleinement de tout, ni même se souvenir de tout.

Et peut-être que c’est mieux si rien ne s’est passé comme on l’avait imaginé, peut-être que c’est mieux si rien n’était parfait.

 

Un instant de vie ne devient mémorable qu’après avoir été vécu.

Au milieu du tumulte, des habitudes, du brouhaha de la vie, on ne prend conscience de rien, on ne fait pas le tri.

 

Les pépites ressortent plus tard, quand les yeux brillent au souvenir, quand le cœur aime à se remémorer.

 

Les pépites ressortent, et le tri se fait.

L’instant a été saisi, dans sa plus parfaite imperfection et dans l’éternité, sans que nous ayons eu à y penser vraiment.

 

C’est le cœur qui choisit.

C’est lui qui dit Ce moment-là était merveilleux, j’en garde quelque chose de précieux qui m’a fait grandir.

 

On voudrait tout maîtriser, on ne voudrait rien oublier, ne pas perdre une seule miette, mais c’est le cœur qui choisit, comment les choses se font, et comment elles restent gravées ensuite.