Comment j’ai rencontré Cécile…

 

Elle venait de débarquer en ville, ça se voyait. Quelque chose dans sa façon d’être : son air d’abandon, un air de pas savoir où se foutre, ni quoi dire, ni comment se tenir…

 

Elle m’a taxé une clope, qu’elle a fumé avec gourmandise.

On aurait dit que ça faisait un bail qu’elle n’avait pas fait ce geste, et qu’il lui manquait trop.

 

Je l’ai aimée dès que je l’ai regardée, à sa manière farouche de tenir la clope, un peu apeurée, un peu énervée. Mais se détendant à mesure que l’objet délicieux se consumait.

 

Cécile semblait en révolte contre tout, la vie, l’amour, le monde. Mais sans rien pouvoir y changer et donc, les bras un peu ballants face à la vie.

 

On est restées en silence, toutes les deux, et c’est vraiment comme ça que j’aime fumer : en silence et dans le calme…

 

Elle a attendu que je finisse ma clope avant d’ouvrir la bouche pour entamer la conversation, c’est pas merveilleux, ça ? Moi, j’ai trouvé ça merveilleux…

 

Ensuite, elle m’a regardée droit dans les yeux, d’un regard pétillant qui suppliait aussi… Quelque chose comme « ça fait longtemps que j’ai pas vu le bleu du ciel, je voudrais que tu me fasses rêver, au moins un peu ».

Je ne savais pas si je pouvais la faire rêver, mais ce qui était sûr, c’est que j’avais envie d’essayer.

 

Elle m’a demandé :

-       T’es du coin ?

J’ai hésité sur la réponse, un temps…

Puis je lui ai dit :

-       On peut le dire comme ça, depuis le temps que je traîne ici…

-       Tu fais que y trainer, ou tu y vis ?

Elle voulait des détails, mais j’ai compris pourquoi. Je savais quelle serait son autre question. Je l’ai devinée dans ses yeux, un peu excités, un peu suppliants.

 

-       J’y vis, j’ai répondu.

Elle a enchaîné, alors :

-       Je peux crécher chez toi, cette nuit ?

C’était rapide, direct, ça m’a plu.

J’ai dit oui. Principalement à cause de ses yeux, qui avaient besoin de repos, de gentillesse, et d’amour.

Mais j’ai dit oui aussi pour sa manière de fumer, sa manière de parler, sa manière d’être là, d’être arrivée jusqu’ici et jusqu’à moi…

 

Elle est restée une nuit, alors.

Puis une deuxième.

Et une troisième…

 

Pendant tout ce temps, elle a dormi, beaucoup.

Elle a fumé, beaucoup aussi.

Et on a parlé, plein…

 

Au quatrième jour, il y avait quelque chose en elle qui disait « Faut que je parte, faut que je trace ma route », mais qui disait aussi « Je veux rester. Un peu, encore… »

 

C’était pas à moi de décider, pas à moi de la retenir. J’avais pas envie de faire ça, d’être cette personne-là.

 

Cécile, ça se voyait, avait besoin de voir la vie en rose, oui, mais sans faire du surplace. Et rester à l’état sauvage, même si c’était un peu douloureux parfois.

 

Le dilemme continuait de se faire dans son ventre, je le voyais, mais elle est restée.

Trois semaines.

Cécile est restée trois semaines dans mes bras. A la connaître, je crois que c’est un petit record, tout de même.

 

Au début, je m’attendais à tout moment qu’elle parte, mais vers la fin je m’étais habituée à elle, sa présence, son odeur…

Elle est partie quand je m’y attendais plus, me laissant une lettre sur la table de la cuisine.

 

Au final, trois semaines dans ses bras, c’était déjà bien. C’était comme le bout du monde, ou juste le bleu du ciel.

C’était ce dont elle avait besoin.

 

J’aurais voulu l’enfermer dans mes bras pour toujours. Tellement voulu… et je sais qu’elle se serait laissée faire.

Mais c’était pas ce que je voulais pour nous deux, et surtout pas pour elle.

 

Je crois qu’elle va revenir, un jour. Quand elle aura fait le tour de la question, ou trouver ce qu’elle cherche. Si elle cherche quelque chose… Et si ce qu’elle cherche la trouve.

Je crois. J’espère…

 

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