On était des gamins. Ou tout comme.

 

Je me souviens de la première fois.

C’était sous la pluie.

Tu m’as dit Embrasse-moi. J’ai dit oui.

 

On s’est embrassés.

 

A partir de là, œillades et frôlements. Regards tendres, petites caresses.

Les autres nous regardaient, se questionnaient… Mais la nature de notre relation n’avait pas d’intérêt.

 

Nous jouions.

 

Un jour, ta main s’est égarée plus loin. Ton regard était plus profond.

Tu m’as déshabillée, avec les yeux d’abord, avec les mains ensuite.

J’ai fait de même.

 

Au cœur de l’orgasme, au milieu d’un cri, j’ai dit Je t’aime.

Interrogateurs, tes yeux se sont ouverts, au moment même où toi aussi tu jouissais.

Je n’ai pas aimé ce regard, sa possible signification.

 

J’ai pris une clope dans le paquet de la table de nuit. Je l’ai allumée et j’ai posé le cendrier sur mon ventre.

Allongé à côté de moi, tu t’endormais, je n’ai pas voulu te déranger.

Je savourais le moment, aussi. Un peu.

 

C’est donc plus tard que la « grande discussion » a eu lieu.

Au matin, alors que je préparais le café, tu es entré dans la cuisine.

Evitant mon regard, tu as dit Ecoute.

Et puis Il faut qu’on parle.

Tu regardais la tasse vide qui était sur la table, attendant d’être remplie de café. J’ai cru que c’était avec elle que tu devais parler. J’ai pensé vous laisser seuls un moment.

Mais il fallait que j’entende aussi.

J’ai écouté, alors, un peu. Dans le brouillard du matin, mon ventre et mes nerfs attendaient le café, comme la tasse.

 

J’ai entendu des mots, quelques-uns.

Les plus déplaisants.

Ne t’aime pas… Pour jouer… Faire semblant… Pour de faux… S’amuser.

 

La tasse ne répondait rien. Moi non plus.

 

Et puis tu as dit Je pars.

Le café n’avait pas fini de couler, la tasse n’avait pas eu le temps de te répondre. Moi non plus.

Tu es parti.

Je suis restée. Abasourdie.

 

Bien sûr que c’était pour de faux. Je savais.

 

Je voulais juste…

Je crois que faire semblant me plaisait.

Je t’ai toujours aimé. Tu ne l’as jamais remarqué.

Et moi je voulais juste… Attendre. Peut-être qu’un jour ce ne serait plus un jeu.

Peut-être qu’un jour ton cœur aurait fini par s’ouvrir.

Mais maintenant, je ne pouvais plus espérer.

 

J’ai bu mon café en pensant que tout ça était quand même savoureux. Idiot, ridicule, malheureux.

Il n’y avait pas de mots. Tu as joué à m’aimer, et j’ai aimé ça. Mais moi je ne jouais pas.

 

Trois mois plus tard, j’ai découvert que j’étais enceinte.

C’est peut-être parce que c’était comme pour de faux, qu’on avait oublié de mettre une capote en vrai.

Mais j’avais joui pour de vrai, et toi aussi. Ce bébé est réel, lui aussi.

 

Parfois, tout se mélange et je ne sais plus si nous jouions, et à quoi.

Je reste sans nouvelles de toi. Tu as quitté la ville, paraît-il.

Les autres m’évitent. Ils voient mon ventre s’arrondir, ils comprennent.

Je n’ai rien à leur dire, de toute façon.

 

Cet enfant grandira, avec ou sans toi.

Je ne jouerai plus, je ne ferai plus semblant.

Je n’attends pas que tu reviennes, je sais. Tu jouais parce que tu n’étais pas prêt. Je doute que tu le sois jamais.

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